mardi 8 mai 2007

LE JOUR COMMENCE


ANTOINE EMAZ

VIANDE

En haut de la rue, au coin, il y a une boucherie. Le mardi et le vendredi, un camion blanc, tôt le matin, et des hommes en blouse sales: ils portent des blocs de viande aussi grands qu' eux.

Presque personne ne les voit; mais cela a lieu.

//

De loin, du blanc penché sous quelque chose de brun avec des taches plus clairs dans la masse sombre, qui bouge.

Des bouts des bêtes.

Est-ce la couleur portée dans l' air froid, ou la courbe des dos sous les poids des carcasses, ou la rue terne avec ces ombres et le silence, ou même le camion arrêté, feux éteints, sur le trottoir plus sombre?

On ne voit pas ce qui insiste.

Pourtant, c' est dans le rouge.

//

De mémoire, rien ne filtre.

Alors?

Le jour commence avec cette viande livrée.

Voilà ce qu' on peut dire.


ANTOINE EMAZ
CAISSE CLAIRE (Poémes 1990-1997)


Aucun commentaire: